Consommation de cannabis et santé mentale chez les jeunes queer et trans
Un aide-discussion pour les jeunes queer et trans et les professionnel·les en santé mentale qui nous soutiennent
Cliquez ici pour le zine complet :
Un grand merci à Sam Stein pour l'illustration et la conception de ce zine.
Pourquoi avons-nous créé cette ressource ?
Les entretiens entre les jeunes queer et trans (QT) et les professionnel·les en santé mentale qui souhaitent nous soutenir ne sont pas toujours évidents, c'est pourquoi on a créé ce zine ! On est un groupe de jeunes QT ayant mené des entrevues dans notre communauté. Dans ce zine, on présente certains de nos résultats ainsi que des recommendations tirées de la littérature et de nos réflexions visant à améliorer nos relations thérapeutiques.
On a élaboré ce zine dans une optique d'apprentissage pour toustes afin d'aider les jeunes QT qui consomment du cannabis à recevoir de meilleurs soins en santé mentale.
Quelques points clés :
Contextualiser les réalités des personnes queer et trans dans le système de santé
Naviguer dans le système de santé en tant que jeune queer et/ou trans (QT) est particulièrement difficile. Ces espaces sont établis en fonction de distinctions binaires basées sur le sexe assigné à la naissance, sans tenir compte de la pluralité des genres et des sexualités. Par conséquent, ces espaces excluent de nombreuses personnes de nos communautés. Tout au long de l'histoire, nos identités ont longtemps été pathologisées (et théorisées, avec un certain nombre d'efforts de recherche visant à élucider le "pourquoi" de nos identités, une question qui ne sert pas les personnes QT). L'homosexualité n'a été retirée du Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux qu'en 1973, alors que la dysphorie de genre, qui est nécessaire pour que de nombreuses personnes trans reçoivent des soins de santé, reste un trouble pouvant être diagnostiqué.[1][2][3] Il n'est donc pas surprenant qu'on se sente souvent incompris·es, invisibles ou même en danger dans le système de santé.
Les recherches le confirment : les soins de santé ne satisfont pas à nos besoins.[4][5][6] Parfois, certain·es d'entre nous avons de la chance et bénéficions du soutien d'un·e professionnel·le en santé mentale qui connaît bien nos réalités et qui comprend les soins axés sur l'affirmation de la sexualité et du genre (et n'impute pas tous nos problèmes à notre sexualité ou à notre genre). Cependant, on doit souvent trouver d'autres moyens, en dehors des systèmes de santé mentale institutionnalisés, pour prendre soin de nous-mêmes et de nos communautés. Ironiquement, ces stratégies de survie et de soutien sont ensuite souvent pathologisées dans les soins de santé mentale institutionnalisés, creusant davantage le fossé entre nos mondes.
Comment la consommation de cannabis se présente-t-elle dans nos communautés ?
La littérature soutient qu'une de nos stratégies pour protéger notre santé mentale est la consommation de cannabis.[7][8][9][10] En effet, en moyenne, on a des taux plus élevés de consommation de cannabis,[11][12] des taux plus élevés de défis liés à la santé mentale[13][14][15] et des liens plus forts entre les deux que nos pair·es cisgenres et hétérosexuel·les.[16][17] Bien qu'il puisse être tentant de limiter le cannabis à un rôle d'automédication à la vue de ces statistiques, le tableau est beaucoup plus complexe. On consomme également du cannabis pour faciliter l'introspection, entrer en lien avec la communauté queer et trans, et faire l'expérience de notre corps et de la présentation de notre genre d'une manière qui est moins restreinte par les forces de la cishétéronormativité*. Cependant, on est nombreux à ne pas consommer de cannabis et il serait malhonnête d'ignorer que, pour certain·es, nos expériences avec le cannabis sont compliquées. Quelles que soient nos relations et nos motivations, la stigmatisation de notre consommation de cannabis ne fait que limiter l'ouverture à discuter de cet aspect de notre vie ou à demander de l'aide lorsque c'est nécessaire. Il est rare d'avoir accès à des professionnel·les en santé mentale qui comprennent les réalités queer, la transidentité et les approches de réduction des méfaits en matière de consommation de cannabis. Cependant, ces personnes peuvent constituer un soutien extrêmement important dans nos vies lorsque nous y avons accès.
Recommandations pour un meilleur soutien
1) Si vous êtes un·e professionnel·le en santé mentale, on vous encourage à penser à comment vous pouvez établir des liens avec vos patient·es queers et trans. Le système de santé pouvant être extrêmement aliénant, cet effort est crucial. Quelle que soit votre expérience en matière de sexualité, de genre et de cannabis, une meilleure compréhension de la libération queer et trans et de la réduction des méfaits pourrait faire une grande différence. Voici quelques ressources pour vous aider à entamer cet apprentissage :
- La santé queer : ce qu'il faut savoir, dans votre poche
- Penser sensé : ressources, informations et autres sur le cannabis
2) D'un autre côté, les professionnel·les en santé mentale ne peuvent pas tout faire et ne sont parfois pas les mieux placé·es pour nous soutenir. Dans nos discussions avec d'autres jeunes queer et trans, nous avons noté que le fait de disposer de ressources et de personnes ou d'organisations de confiance vers lesquelles orienter les patients était essentiel.
3) Compte tenu de tout cela, les jeunes queer et trans ont tendance à avoir des appréhensions justifiées lorsqu'il s'agit de demander des soins de santé mentale. En outre, comme les conditions de vie de certains membres de nos communautés sont particulièrement difficiles, beaucoup d'entre nous ont l'impression de ne pas "souffrir assez" pour obtenir de l'aide. La compréhension de ce contexte et la reconnaissance de la légitimité de nos difficultés peuvent être très soutenantes.
4) Comme pour n'importe quoi, il s'agit de garder l'esprit ouvert, d'aborder vos patient·es avec curiosité et de nous poser des questions. Nous disposons d'une grande expertise riche que nous sommes souvent heureux·ses de partager de manière nuancée et sophistiquée, en particulier si vous faites déjà l'effort d'en apprendre davantage par vous-même.
Que vous soyez un·e jeune queer et/ou trans à la recherche d'outils pour vous aider à obtenir des soins de santé mentale ou un·e professionnel·le en santé mentale qui souhaite favoriser un environnement plus sûr pour ses patient·es, la lecture de ce zine est déjà un excellent début ! Pour vous, les clinicien·nes, le travail supplémentaire que vous faites peut avoir un impact énorme et nécessaire. Et pour les jeunes queer et/ou trans qui lisent ce zine, une chose que notre recherche nous a montrée est que beaucoup d'entre nous partageons les mêmes expériences. En d'autres termes, vous n'êtes certainement pas seul·es !
*Cisheteronormativité, d'après LeMaster et al. 2019 : "La cisheteronormativité fait référence à la normalisation systémique et au privilège matériel des corps, des identités et des subjectivités qui s'alignent le plus étroitement sur les attentes culturelles cisgenres et hétérosexuelles des blancs" [18].[18][19][20][21]
A propos de notre étude
Pour en savoir plus sur notre étude, au cours de laquelle nous avons mené des entrevues auprès de 27 jeunes queers et trans vivant au Québec afin de mieux comprendre leur consommation de cannabis et leur santé mentale, consultez la page 14 du document Innovations en matière de réduction des risques pour la consommation de cannabis chez les jeunes Compendium du cannabis élaboré par le projet TRACE V de l'Université de Calgary.
Ressources complémentaires
D'autres ressources sont disponibles dans l'onglet ressources!
Références
[1] Drescher, J. (2015). Hors du DSM : La dépathologisation de l'homosexualité. Behavioral Sciences, 5(4), 565-575.
[2] Margolin, L. (2021). The Third Backdoor : How the DSM casebooks pathologized homosexuality. Journal of Homosexuality, 1-16. doi : 10.1080/00918369.2021.1945340
[3] Toscano, M. E. et Maynard, E. (2014). Understanding the link : "L'homosexualité, l'identité de genre et le DSM. Journal of LGBT Issues in Counseling, 8(3), 248-263. doi : 10.1080/15538605.2014.897296
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[6] Steele LS, Daley A, Curling D, et al. LGBT Identity, Untreated depression, and unmet need for mental health services by sexual minority women and trans-identified people (Identité LGBT, dépression non traitée et besoins non satisfaits en matière de services de santé mentale chez les femmes des minorités sexuelles et les personnes transidentifiées). J Womens Health. 2017;26(2):116-127.
[7] Buttazzoni A, Tariq U, Thompson-Haile A, Burkhalter R, Cooke M, Minaker L. Adolescent gender identity, sexual orientation, and cannabis use : potential mediations by internalizing disorder risk. Health Educ Behav.0(0):1090198120965509.
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[9] Goldbach JT, Tanner-Smith EE, Bagwell M, Dunlap S. Minority stress and substance use in sexual minority adolescents : a meta-analysis. Prev Sci. 2014;15(3):350-363.
[10] London-Nadeau, K., Rioux, C., Parent, S., Vitaro, F., Côté, S. M., Boivin, M., Tremblay, R. E., Séguin, J. R. et Castellanos-Ryan, N. (2021). Longitudinal associations of cannabis, depression, and anxiety in heterosexual and LGB adolescents. Journal of abnormal psychology, 130(4), 333-345.
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[16] Hafeez H, Zeshan M, Tahir MA, Jahan N, Naveed S. Health care disparities among lesbian, gay, bisexual, and transgender youth : a literature review (disparités en matière de soins de santé chez les jeunes lesbiennes, gays, bisexuels et transsexuels : une revue de la littérature). Cureus. 2017;9(4):e1184.
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[19] LeMaster, Benny et Amber Johnson. "Unlearning Gender" (Désapprendre le genre). Communication Teacher. doi : 10.1080/17404622.2018.1467566
[20] LeMaster, Benny. "Désapprendre la violence du normatif". QED : A Journal in GLBTQ Worldmaking 4.2 (2017) : 123-30. doi : 10.14321/qed.4.2.0123
[21] Johnson, Julia R. "Cisgender Privilege, Intersectionality, and the Criminalization of CeCe McDonald". Journal of International and Intercultural Communication 6.2 (2013) : 135-44. doi : 10.1080/17513057.2013.776094